La déportation des juifs de France

Qui sont les juifs de France ?

En 1940, il y a environ 370 000 juifs en Afrique du Nord et 330 000 en France (l’Afrique du Nord fait partie de l’empire français). Les juifs présents sur le territoire français sont pour moitié français et pour moitié étrangers. Beaucoup ont fui l’Europe centrale et orientale devenue antisémite ainsi que l’Allemagne nazie. En France, 76 000 juifs vont être déportés dans les camps nazis.

Les premières mesures d’exclusion

Dès l’automne 1940, les premiers mesures se mettent en place. Le 23 septembre 1940, l’occupant allemand oblige les juifs de la zone occupée à se faire recenser avant le 20 octobre. En plus, les commerces juifs doivent coller sur leur vitrine une affiche spéciale sur laquelle est écrit en français et en allemand « Entreprise juive ». Jusqu’en 1944, ce sont 41 000 commerces, entreprises, immeubles et biens divers qui sont placés sous gérance « aryenne » (non-juive), en zone nord, et 6 000 en zone sud.

Les Statuts des juifs

3 octobre 1940 : le gouvernement de Vichy promulgue le premier statut contre les juifs. Pour la première fois de son histoire, l’Etat propose une définition du mot « juif » et fait entrer dans le droit la notion de race : « Est regardé comme juif, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif. » Par ce statut, les juifs sont désormais exclus de la fonction publique, de l’armée, de l’enseignement, de la presse, du cinéma et de certaines professions libérales (médecins, avocats…)

 

2 juin 1941 : le deuxième statut des juifs allonge la liste des professions desquelles les juifs sont exclus. Ce statut autorise les préfets à emprisonner les juifs de nationalité française. En février 1941, 40 000 juifs étrangers sont enfermés dans différents camps : Gurs, Rivesaltes, Les Milles…

Le Commissariat général aux Questions juives

En mars 1941, sur pression allemande, Vichy crée un Commissariat général aux questions juives chargé de veiller à l’application des lois anti-juives. Les Allemands sont désormais assurés que l’ensemble de leurs directives seront bien appliquées en plus des lois antisémites de Vichy. Pour le gouvernement de Pétain, c’est l’occasion de montrer sa bonne volonté en matière de collaboration. Le Commissariat va dresser une liste de 110 000 noms de juifs de la zone sud dont 20 % sont déjà internés dans des camps. C’est cette liste qui va permettre de livrer rapidement 10 000 juifs lorsque les autorités allemandes l’exigent à l’été 1942.

La propagande antisémite

En mai 1941, est créé l’Institut d’étude des questions juives qui a pour but de diffuser de la propagande antisémite. C’est cet institut qui organisera l’exposition « Le Juif et la France » qui sera présentée à Paris de septembre 1941 à janvier 1942. 200 000 personnes visiteront cette exposition.

L'étoile jaune

L’isolement des Juifs s’aggrave avec une série d’interdictions prises à leur encontre par les autorités allemandes. Leur sont interdits les lieux publics, théâtres, cinémas, parcs… Un couvre-feu leur est imposé. Ils doivent monter dans le dernier wagon du métro.

 

29 mai 1942 : une ordonnance impose aux juifs de plus de 6 ans de porter une « étoile juive » de couleur jaune. Chaque personne se voit attribuer trois étoiles en échange d’un point de sa carte textile. Cette mesure ne sera jamais imposée en zone sud même après son occupation par les Allemands.

Les rafles

Les trois principales rafles menées de mai à décembre 1941 le sont sur ordre du Commandement allemand installé à Paris. Utilisant les fichiers de la police française, ces rafles visent principalement les juifs étrangers âgés de 18 à 50 ans. Elles provoquent l’internement de 8 000 juifs dont la majorité est envoyée au camp de Drancy (près de Paris).

 

Avec la mise en place de la « Solution finale » à partir de janvier 1942, le SS Helmut Knochen prépare minutieusement avec l’aide du secrétaire général de la police française, René Bousquet, les rafles à venir. Tout s’accélère avec la rafle du Vel’ d’Hiv’ des 16 et 17 juillet 1942, au cours de laquelle 12 884 juifs (3 031 hommes, 5 802 femmes et 4 051 enfants) sont arrêtés à Paris. Dans le reste de la France d’autres rafles sont opérées dans les mois qui suivent y compris en zone sud où 6 000 juifs sont arrêtés.

La déportation des juifs de France

Une fois les juifs regroupés dans les camps d’internement de la zone nord (Drancy, Pithiviers et Beaune-la-Rolande pour les plus importants), les Allemands organisent des convois en direction d’Auschwitz à raison d’un départ tous les deux jours. Entre juillet et septembre 1942, ce sont presque la moitié des juifs arrêtés qui sont déportés à Auschwitz par convois d’environ 1 000 personnes enfermées dans des wagons à bestiaux. A la fin de l’année 1942, 42 000 juifs, le plus souvent d’origine étrangère, ont été déportés.  Entre 1943 et août 1944, 34 000 juifs sont arrêtés et déportés à Auschwitz.

Le sauvetage des juifs

Si avant 1942, les Français semblent s’être peu émus des persécutions commises contre les juifs, le port de l’étoile jaune et les rafles vont provoquer un changement dans l’opinion. Certains Français n’hésitent pas à cacher des juifs parmi lesquels 62 000 enfants. Un grand nombre d’établissements religieux, couvents, écoles, pensionnats, orphelinats accueillent des juifs. Des réseaux s’organisent pour l’accueil, la production de faux papiers et l’organisation de filières d’évasion.

Un terrible bilan

Parmi les 76 000 déportés depuis la France vers les camps nazis, seuls 2 500 ont survécu soit 3 %. Un tiers des morts sont des juifs français et deux tiers des Juifs étrangers. 14 % ont moins de dix-huit ans et 12 % plus de soixante ans.

Loi du 3 octobre 1940 sur le statut des juifs [Document]

Article premier – Est regardé comme juif, pour l’application de la présente loi, toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif.

 

Art.2. – L’accès et l’exercice des fonctions publiques et mandats énumérés ci-après sont interdits aux Juifs :

1° Chef de l’État, membre du gouvernement, Conseil d’État, Conseil de l’Ordre national de la Légion d’honneur, Cour de Cassation, Cour des comptes, Corps des Mines, Corps des Ponts et Chaussées, Inspection générale des Finances, Cours d’appel, Tribunaux de première instance, Justices de Paix, toutes juridictions d’ordre professionnel et toutes assemblées issues de l’élection ;

2° Agents relevant, du, département des Affaires étrangères, secrétaires généraux des départements ministériels, directeurs généraux, directeurs des administrations centrales des ministères, préfets, sous-préfets, secrétaires généraux des préfectures, inspecteurs généraux des services administratifs au ministère de l’Intérieur, fonctionnaires de tous grades attachés à tous services de police ;

3° Résidents généraux, gouverneurs généraux, gouverneurs et secrétaires généraux des colonies, inspecteurs des colonies ;

4° Membres des corps enseignants ;

5° Officiers des Armées de terre, de Mer et de l’Air ;

6° Administrateurs, directeurs, secrétaires généraux dans les entreprises bénéficiaires de concessions ou de subventions accordées par une collectivité publique, postes à la nomination du Gouvernement dans les entreprises d’intérêt général.

 

Art. 3 – L’accès et l’exercice de toutes les fonctions publiques autres que celles énumérées à l’art. 2 ne sont ouverts aux Juifs que s’ils peuvent exciper de l’une des conditions suivantes :

  1. Être titulaire de la Carte de combattant 1914-1918 ou avoir été cité au cours de la campagne 1914-1918 ;
  2. Avoir été cité, à l’ordre du jour au cours de la campagne 1939- 1940 ;
  3. Être décoré de la légion d’honneur à titre militaire ou de la Médaille militaire.

 

Art. 4. – L’accès et l’exercice des professions libérales, des professions libres, des fonctions dévolues aux officiers ministériels et à tous auxiliaires de la justice sont permis aux juifs, à moins que des règlements d’administration publique n’aient fixé pour eux une proportion déterminée. Dans ce cas, les mêmes règlements détermineront les conditions dans lesquelles aura lieu l’élimination des juifs en surnombre.

 

Art. 5. – Les juifs ne pourront, sans condition ni réserve, exercer l’une quelconque des professions suivantes :

Directeurs, gérants, rédacteurs de journaux, revues, agences ou périodiques, à l’exception de publications de caractère strictement scientifique. Directeurs, administrateurs, gérants d’entreprises ayant pour objet la fabrication, l’impression, la distribution, la présentation de films cinématographiques; metteurs en scène et directeurs de prises de vues, compositeurs de scénarios, directeurs, administrateurs, gérants de salles de théâtres ou de cinématographie, entrepreneurs de spectacles, directeurs, administrateurs, gérants de toutes entreprises se rapportant à la radiodiffusion. Des règlements d’administration publique fixeront, pour chaque catégorie, les conditions dans lesquelles les autorités publiques pourront s’assurer du respect, par les intéressés, des interdictions prononcées au présent article, ainsi que les sanctions attachées à ces interdictions.

 

Art. 6. – En aucun cas, les juifs ne peuvent faire partie des organismes chargés de représenter les professions visées aux articles 4 et 5 de la présente loi ou d’en assurer la discipline.

 

Art. 7 – Les fonctionnaires juifs visés aux articles 2 et 3 cesseront d’exercer leurs fonctions dans les deux mois qui suivront la promulgation de la présente loi. Ils seront admis à faire valoir leurs droits à la retraite, s’ils remplissent les conditions de durée de service ; à une retraite proportionnelle, s’ils ont au moins quinze ans de service ; ceux ne pouvant exciper d’aucune de ces conditions recevront leur traitement pendant une durée qui sera fixée, pour chaque catégorie, par un règlement d’administration publique.

 

Art. 8 – Par décret individuel pris en Conseil d’État et dûment motivé, les Juifs qui, dans les domaines littéraires, scientifiques, artistique ont rendu des services exceptionnels à l’Etat français, pourront être relevés des interdictions prévues par la présente loi.

Ces décrets et les motifs qui les justifient seront publiés au Journal Officiel.

 

Art. 9. – La présente loi est applicable à l’Algérie, aux colonies, pays de protectorat et territoires sous mandat.

 

Art. 10. – Le présent acte sera publié au Journal officiel et exécuté comme loi de l’État.

Fait à Vichy, le 3 octobre 1940.

 

Loi promulguée au Journal officiel du 18 octobre 1940